Adfectio

« Ecouter quelqu'un, c'est se mettre à sa place pendant qu'il parle. Se mettre à la place d'un être dont l' âme est mutilée par le malheur ou en danger imminent de l'être, c'est anéantir sa propre âme. »*

L'ascension, puis la chute. La fusion, puis la fuite.

Des couches et des couches empilées de rencontres qui jalonnent notre histoire. On ne les voit plus, mais elles n'ont pas tout à fait disparu. Elles sont là, et le seront toujours. Dissimulées sous la pile. Elles forment l’épaisseur de notre identité.

Lorsque des coquilles brisées tentent de ne former qu'un, il demeure des espaces vides, qui s'ils ne sont comblés par un lien sécurisant et indéfectible, laisseront la structure friable.

Noyée de peur face aux drogues, à l'alcool, à la violence, aux effets miroirs, aux maladies psychiques, l’éponge devient vite trop imbibée. La jeter et fuir devient la solution la plus salvatrice à l'instant T, faute de savoir faire autrement. Les catécholamines font leur travail, un peu trop sans doute. L'impuissance face à la dysrégulation des émotions, trop vives et peu maitrisables, rend les relations instables et souvent éphémères.

Apprendre à vivre et accepter. La culpabilité d'avoir blessé, quitté, abandonné, de fuir pour se sauver soi-même. Ce n'est pas nécessairement le rejet ou la haine qui font fuir, mais aussi la peur de se perdre soi. Laisser à l'autre le choix des réponses, vraies ou erronées, au travers du prisme qui lui appartient. L'esprit de la théorie, mais surtout la théorie de l'esprit.

A l'image des chagrins d'amour, le deuil est porté des années durant, acceptant petit à petit ce qui est et ce qui ne sera jamais plus.

Tantôt c'est le Kintsugi : on souligne et sublime les fissures de l'être avec de l'or, et on entame un processus de guérison. Tantôt des morceaux laissés en jachère, c'est l'irréparable. La nostalgie de ce qui aurait pu être mais qui ne sera jamais. Le sentiment d’échec. De nouvelles graines devront être semées dans notre jardin personnel.

* « La personne et le sacré », Simone Weil, Payot & Rivages, Paris, p.72